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À chaque année son défi… Et depuis novembre dernier, mon objectif triathlon annuel est déjà tout trouvé : ce sera l’Altriman ! Ceux qui suivent de près ou de loin ma carrière sportive, savent que je réalise un triathlon XXL tous les deux ans. Le dernier en date était l’Alpsman en 2021.
2023 est donc pour moi l’année pour réaliser un défi encore plus fou. Après une année 2022 off en termes de triathlon, voyage vers le Cap Nord oblige, je ne me cherche pas d’excuse pour repousser la préparation d’un nouvel ironman. D’ailleurs, je savais déjà très bien lequel je voulais cocher sur ma to-do list triathlon. L’Altriman me faisait de l’œil depuis un moment…
Celui-ci se déroule aux Angles (66) avec un parcours à cheval entre les Pyrénées catalanes et ariégeoises. D’ailleurs, le credo de l’Altriman colle tout à fait à l’état d’esprit qui nous anime avec Marine : « Les folies sont les seules choses que l’on ne regrette jamais » ! Une épreuve conçue pour se dépasser, se surpasser, s’émerveiller. Et sans aucun doute aussi, l’une des courses les plus dures au monde.
Rapidement, je soumets mon idée à Xavier. Bizarrement, il met un peu plus de temps à accepter le défi qu’à l’ordinaire : “On avait dit du plat cette année”. “Les plats, on les garde pour quand on sera vieux Xav !”. Fin novembre, l’inscription est validée par l’organisation. Moins de 3 semaines plus tard, Xavier s’inscrit à son tour ! Assez facile à convaincre finalement…
La préparation peut commencer ! Je me donne 6 mois pleins pour arriver au top de ma forme à cet Altriman !
À l’issue de l’Alpsman 2021, j’ai tiré plusieurs leçons de cette épreuve que j’ai vécue comme un échec. Fort de cela, j’ai la volonté d’arriver le 8 juillet en pleine possession de mes moyens et en ayant évité, au maximum, les blessures !
Je m’organise donc un plan d’entraînement préparé aux petits oignons pour cet Altriman. Je reprends les bases de l’entraînement réalisé pour l’Embrunman et l’Alpsman et je modifie ce qui n’a pas marché. Pour cela, j’inclus davantage de progressivité et de volume à basse intensité et je m’astreins à une régularité intransigeante.
Mon métier actuel (assistant d’éducation en internat) me permet de m’entraîner comme je le veux. En effet, j’ai un emploi du temps fixe d’une semaine sur l’autre avec beaucoup de temps libre en journée. Ce sera un atout considérable par rapport aux années précédentes.
Chaque semaine, je réalise deux séances de chaque discipline en alternant sortie courte avec quelques intensités et séance très longue pour l’endurance fondamentale. J’augmente très progressivement la durée de ces séances au fur et à mesure de l’avancement de la préparation.
J’ai aussi réalisé une course test en juin 2023 en m’alignant sur l’Alpsman Half Triathlon. Un parcours qui ne m’est pas inconnu après avoir réalisé le format complet deux ans plus tôt. Je profite donc des montagnes pour grimper des cols sur la durée et me finir sur une montée sèche du Semnoz en mode trail (16 kilomètres pour 1300m de D+)… Des efforts qui ne sont pas communs en Mayenne même si nous n’avons pas non plus un plat pays !
Début juillet, la préparation est « enfin » terminée. En quelques chiffres, voici le volume d’entraînement réalisé sur les 6 premiers mois de l’année, qui m’aura été nécessaire pour réaliser cette course de l’Altriman.
Du 1er janvier au 30 juin 2023 :
🏊 124 kilomètres de natation (49 séances / 45h29 essentiellement en bassin de 50 mètres)
🚴 4 584 kilomètres de vélo (80 sorties / 58 501 mètres de dénivelé positif / 181h45 en selle)
🏃 740 kilomètres de course à pied (65 séances / 7 989 mètres de dénivelé positif / 69h29 sur les sentiers)
En « comparant » mon volume d’entraînement à celui de mon acolyte Xavier, je constate que nous sommes plutôt alignés ! Cela représente, pour moi, une moyenne de 11 à 12 heures de sport par semaine… Autant dire qu’il n’est plus l’heure de faire machine arrière : tous les voyants sont au vert pour réaliser cette course de dingue. Et c’est peu dire !
À l’approche de l’épreuve, mes nuits de sommeil deviennent bizarrement de plus en plus agitées. J’ai du mal à trouver le sommeil entre appréhension et excitation. En prime, avoir suivi notre ami Simon sur le Grand Raid de l’Ultra Marin une semaine plus tôt, m’a aussi montré l’état de fatigue qui sera bientôt le mien. Je pense que mon cerveau cherche à me faire douter, mais j’ai de l’expérience en la matière. L’avant-dernière nuit est finalement plutôt bonne et j’aborde ma veille de course plutôt sereinement.
C’est vendredi 07 juillet 2023 qu’arrive enfin le jour du retrait du dossard et du dépôt du vélo. Un moment particulier où nous sommes amenés à rencontrer tous nos adversaires… Je porterai pour ma part le dossard 54. « Ah le Morbihan pour Monsieur !” “Ah non, 54 c’est la Meurthe-et-Moselle”. Décidément, tout ce qui se trouve au nord de Toulouse est un monde obscur pour les Sudistes, et ce, sans même parler de leur obsession de la CHO-CO-LA-TI-NE !
Dossard de l’Altriman en poche, direction le Lac de Matemale pour sonder la température de l’eau. Nous sommes accompagnés de Mathilde et rejoignons mon frère Florian et sa petite tribu. Les filles décident de se jeter à l’eau et valident pour moi la température. Ouf, je n’aurai pas à sortir mon bonnet en néoprène épais demain. C’est qu’il ne faudrait pas attraper un coup de chaud dans l’eau. J’apprendrai tout de même après la course qu’un des concurrents a tout de même nagé avec deux combinaisons… A priori, il a pris un coup de chaud et a été contraint à l’abandon après la première boucle de natation. Tu m’étonnes ! Mais mon interrogation principale est tout de même de savoir comment ce type a pu enfiler deux combinaisons… Alors qu’en mettre une est déjà une galère sans nom !
Il est 17h00 quand le parc à vélos ouvre enfin ses portes. Même si nous sommes à la veille de la course, chaque athlète doit s’y rendre avec son vélo et son casque sur la tête. C’est une vérification incontournable de sécurité afin d’avoir accès au parc.
C’est aussi le moment préféré des triathlètes dignes de ce nom. Avec quoi roulent les copains ? Je peux vous dire qu’il y a du beau vélo au mètre carré et que ces derniers sont reluqués sous tous leurs angles. Hum… Celui-ci n’a pas bien nettoyé et lubrifié sa chaîne tiens ! J’adore ce moment.
Une petite photo avec mes deux compères lavallois : Xavier (dossard 63) que je ne présente plus et David (dossard 20), un triathlète avec qui j’avais réalisé mon premier longue distance (ndlr : le Frenchman en 2017), un coureur hors pair !
À 18h30, nous nous rendons tous les trois au briefing, rendez-vous obligatoire pour les triathlètes. C’est un moment crucial pour les organisateurs de l’Altriman qui peuvent alors aborder différents points pour éviter tout malentendu durant la course. Ils nous rappellent les points essentiels du règlement, nous signalent les passages délicats sur le parcours vélo ou encore le sens de circulation pour la partie natation.
« Les deux premières bouées main droite et la dernière main gauche« . C’est à ce moment précis que tu vois la foule regarder ses deux mains. Le stress est perceptible chez certains et ils pourraient presque me mettre le doute les cons : « Elle est où est ma main gauche quand je nage ?“ !
Une fois ce rendez-vous terminé, nous sommes conviés à une pasta party ! Un événement assez courant à la veille de courses longue distance. Je zappe cette partie, préférant manger avec mon entourage. Cela m’évite en prime une pression supplémentaire avec mes compagnons de galère : « Il a dit main droite la première bouée ?”…
Avec Marine et Mathilde, nous longeons le Lac de Matemale pour dénicher un spot où passer la nuit avec le camion et une tente. Nous trouvons rapidement notre bonheur à un kilomètre à peine du parc à vélos et à quelques mètres de toilettes ! Parfait… Nous n’y serons pas seuls pour la nuit, mais l’endroit reste pour autant plutôt calme.
Les filles s’affairent à la montée du camp et à la préparation des fameuses pâtes au jambon… De mon côté, je finalise mes sacs de transition et de ravitaillement. Ces derniers seront acheminés à Mijanès (KM 74) et à Roquefort-de-Sault (KM 152). Cette préparation peut être stressante pour certains, mais moi, j’adore ! Cela me permet de rentrer tranquillement dans ma bulle tranquillement.
Notre amie Mathilde, qui découvre le côté préparatifs, est épatée de voir que je ne laisse transparaître aucun signe de stress. Pourtant, il est bien là… Même si pour le moment, ce n’est que du bon stress ! Je dois reconnaître que je suis assez sûr de moi car conscient de m’être bien entraîné. Peut-être que cela ne suffira pas, mais je ne pouvais pas faire plus à mon niveau. Lors de ma préparation, j’ai fait beaucoup d’exercices de visualisation : je me vois ainsi à chaque moment clé de la course pour m’entraîner aux gestes et aux attitudes à avoir selon différents paramètres. Une méthode très utilisée par les préparateurs mentaux et leurs athlètes professionnels, et pour cela, les podcasts m’ont bien inspiré !
Mon réveil me sort de mes ultimes songes à 02h50 en ce samedi 08 juillet 2023 ! Comme à chaque fois, je n’ai pas eu l’impression de véritablement dormir : le corps est déjà en éveil depuis une bonne dizaine d’heures. Je suis donc un peu stressé… Par contre, j’ai faim et ça, c’est plutôt bon signe ! J’ingurgite un café, mes tartines de pain / avocat / beurre de cacahuète / banane et me dirige vers les toilettes. Un bon transit avant la course étant primordial… C’est d’ailleurs la principale raison d’un réveil si matinal.
Puis il est déjà temps de filer au parc à vélos. L’air ambiant est plutôt agréable et il devrait y avoir peu de différence entre la température de l’eau et celle de l’air. La mise à l’eau ne sera donc pas une torture.
Il est 04h00 quand l’accès au parc est autorisé aux triathlètes. Je dois être dans les premiers à y accéder et je suis rapidement rejoint par mes deux acolytes, Xavier et David. Tout le monde est déjà dans sa course… Je suis bien rôdé et ma zone de transition est rapidement prête : je place et visualise mes équipements en vue de mes transitions. Chaque chose a sa place et chaque chose est à sa place : je ne devrais rien oublier… ! (Vous imaginez déjà la suite, n’est-ce pas ?) !
Direction la plage du départ. Nous traversons le ponton qui nous servira également de point de passage pour la sortie à l’australienne avant de nous grouper sous l’arche… Même si le DJ à dû mal à lancer le son, il est opérationnel à 05h29 pour lancer le célèbre “Final Countdown” du groupe Europe… Les quelques notes nous mettent tout de suite dans l’ambiance et me donnent le palpitant. Soudain, les fumigènes qui nous montrent la voie s’allument et le coup de pétard du départ de l’Altriman 2023 est donné.
C’est parti pour une longue journée !
Je rentre tranquillement dans l’eau. L’objectif est de me concentrer sur ma course à moi sans se préoccuper des autres athlètes. La première erreur que je dois éviter de faire est de me louper dans l’orientation (leçon n°36 : Alpsman)… À l’aller, nous devons viser un gyrophare situé sur la rive opposée du Lac. Celui-ci nous indique la première bouée que nous devrons contourner avant d’atteindre la seconde et d’entamer le chemin du retour. Je me sens bien, mais après une bonne dizaine de minutes, je me fais couper la route par un nageur.
« Qu’est-ce qu’il fout là celui-ci ? »…
Cela m’interpelle. Je passe en position verticale et j’enlève mes lunettes pour savoir où j’en suis. Pour rappel, il fait encore nuit noire… Et c’est là que j’aperçois que j’ai loupé la première bouée d’une dizaine de mètres. Pas de panique ! Je plaque mes lunettes sur mon visage et c’est reparti. Du fait des premières lueurs qui commencent à émerger, la seconde bouée qui forme le triangle de nage, est plus visible. J’ai à présent le parcours bien en tête et j’ai envie de me dire que le plus difficile est derrière moi. Je dois maintenant poser ma nage et rejoindre la plage pour le second tour.
Le soleil se lève quand j’arrive sur la plage. Je regarde ma montre : 35 minutes au compteur. Je suis dans mes temps, il ne me reste qu’à réitérer le même effort. Cette fois-ci, je ne loupe pas la première bouée et le second tour passe plus vite. Au loin, j’entends le public encourager chacun(e) des athlètes qui en terminent avec la natation. Je me relève à mon tour et boucle la natation en 01h07 d’effort…
Mon PR (Personal Record) est tombé et ce, plutôt sans forcer ! Acte 1 terminé. Même si j’exulte intérieurement de ce résultat, je passe vite à la suite. Car je sais que c’est sur le vélo que tout va se jouer !
Ma transition est un laborieuse. Je me débats avec un poncho en K-Way emprunté à une copine et dix fois trop grand pour moi après avoir oublié le mien à la maison. D’ailleurs, j’ai même eu peur un instant de finir à poil devant tout le monde en me prenant les pieds dans celui-ci. Être cul nu pouvant être motif de disqualification, j’ai fait du mieux que j’ai pu.
Après 7 minutes, je suis prêt à enfourcher le vélo pour en découdre. C’est là qu’Alex m’interpelle juste avant que je ne quitte ma chaise : “Ta puce Damien !”… Merde alors, je l’ai enlevée pour enfiler mes chaussettes et j’ai bien failli faire une belle boulette. Merci mec ! Vivement que celle-ci soit greffée en sous-cutané, car ce serait la seule solution pour moi de ne pas l’oublier. Je ne me démobilise pas pour autant et je pars affronter les 193 kilomètres de circuit et les 5 000 mètres de D+, le couteau entre les dents !
Sans attendre, je mets en route mon plan alimentation avec une barre de chocolat pour avoir un bon goût dans la bouche. L’idée est de manger toutes les demi-heures en alternant sucré (bonbons Haribo, dattes et pâtes de fruit) et salé (mini sandwiches beurre de cacahuète et banane). Il s’agit là d’une alimentation que je teste depuis 3 mois et qui a bien fonctionné… Mais, parce que oui, il y a un mais… Je sais qu’à chaque course, sur le plan alimentaire, pour moi, rien ne se passe jamais comme prévu !
Dans un second temps, je me concentre sur mes sensations. Les jambes sont bonnes. Pour autant, j’essaie d’être un poil en dessous de ce que je peux faire. L’Alpsman avait eu ma peau, je ne referai pas la même erreur. Je me mets donc en mode cyclotourisme avant que le mode course ne me soit serait fatal !
La première boucle de 44 kilomètres nous fait emprunter trois cols : La Quillane, la Llose et Creu. Celle-ci est fermée aux voitures des spectateurs (sous peine de disqualification de l’athlète encouragé) du fait des routes étroites et de leur revêtement… Disons approximatif ! Je monte à mon rythme en kiffant le magnifique paysage qui m’entoure et en prenant le temps d’adresser un petit mot à chaque concurrent qui me dépasse ou que je double.
Les cols se montent bien et la première boucle m’offre une belle mise en bouche pour la suite. Par contre les descentes sont très techniques. Le piètre descendeur que je suis n’arrive pas à reprendre de la vitesse après chaque virage ni à se décontracter. Je boucle finalement ces 44 kilomètres à une moyenne de 26 km/h. Une moyenne qui baissera jusqu’à la fin de journée, mais ça, c’était aussi prévu, alors pas de panique.
Au premier ravitaillement de Matemale, que je zappe (volontairement), je retrouve mes premiers supporters. Et je peux vous assurer que ça, ça fait plaisir ! D’abord la famille de Xavier (Didine, Elisa et Anna) accompagnée par mon frère Florian. Puis plus loin, dans le village de Formiguères, c’est Mathilde, Marine, Madjo et mon N’Lou Madiot que je retrouve. J’ai le smile jusqu’aux oreilles et je vais tâcher de le garder jusqu’à la pose du vélo !
Une longue descente de 25 kilomètres nous attend à présent pour nous envoyer sur la seconde partie du parcours. C’était bien tentant d’appuyer sur les pédales pour gagner en vitesse, mais je me suis ravisé, car le plat principal (au sens figuré) va nous être servi sous peu. Au menu : le Port de Pailhères, un col classé hors catégorie avec un profil de 15 kilomètres à 7,8 % de moyenne (ça pique !).
La température extérieure augmente et celle de mon corps la suit de près. J’ai pris le pari de partir avec une veste sans manche assez fine pour supporter la fraîcheur matinale, mais aussi pour me couper du vent au cours des descentes. Je l’ouvre en grand et fais de même avec ma trifonction pour aérer le moteur (toujours au sens figuré hein) !
Voyant ma veste grande ouverte, David, un triathlète qui évoluera à mes côtés pendant presque tout le vélo, me conseille de la laisser au ravito qui approche pour éviter qu’elle ne me gêne pour la suite. Au passage, ce David (dossard 140) n’est pas n’importe qui ! Il me raconte (oui, on papote sur un Ironman…) qu’il réalise l’Altriman pour la quatrième fois et me souhaite alors la « Bienvenue en enfer » ! Sympa le type. S’il est commercial pour la course, ça ne m’étonne pas qu’on soit si peu au départ !
Il me glisse aussi que je ne dois pas hésiter à me refroidir en me mettant dans les fontaines naturelles que je trouverai tout du long du parcours. En effet, je m’en doutais déjà, mais l’hydratation par les gourdes ne suffira pas pour supporter les 36 degrés annoncés au cours de l’après-midi. Le ravitaillement de Mijanès (KM74) approche et mon numéro de dossard (54, pas le Morbihan) est annoncé par un bénévole qui beugle celui-ci à travers un cône de chantier. Simple et efficace ! C’est en effet un bon moyen de prévenir les bénévoles qui s’affairent pour nous tendre nos sacs personnels.
Marine m’attend là. Nous prenons le temps de discuter et je lui partage mes sensations. J’essaie d’être le plus convaincant possible en lui disant que je suis plutôt frais. En même temps, je vide mes poches pour me délester de la nourriture qui ne m’a pas servie et je la remplace par des trucs plus frais qui se trouvent dans mon sac de ravito. Je prends le temps de manger à l’arrêt pour mieux assimiler les aliments, mais je remarque aussi que j’ai pris du retard sur mon plan alimentation.
Pour autant, je me sens bien au niveau gestrique et mon ventre ne fait pas des siennes. Je remplis mes gourdes d’eau fraîche et d’un peu de boisson isotonique. Pendant ce temps, un vidéaste de l’orga Altriman me filme et me pose des questions sur mon état de fraîcheur. Je passe ainsi en live sur la chaîne Twitch que certains de mes proches suivent à distance !
Si ça peut les rassurer, je la joue cool… En mode « tout va bien ». Pourtant, je sais que ce qui m’attend n’est pas de la tarte. La pente du ce Port de Pailhères, col hors catégorie est loin d’être progressive ! C’est du 8 % tout du long. Cela signifie que l’on est en prise pendant plus d’une heure, car c’est effectivement le temps qu’il me faudra pour gagner le sommet. J’ai bien conscience que j’ai atteint la moitié du parcours et que j’ai sacrément tapé dans mes réserves. Mais je ne panique pas pour autant.
Au nombre de 35, les épingles sont impressionnantes et les oiseaux doivent s’en prendre plein les mirettes ! Durant la montée, j’apprécie encore pleinement le paysage sur les 1188 mètres de D+ à gravir… Mais j’ai surtout été interpellé par un car de touristes qui descendait le col, dans le sens inverse de notre course. Je me suis bien demandé ce qu’il foutait là celui-ci : l’engin n’est-il pas trop gros pour ce type de route ? Plus tard, j’apprendrai par les filles que celui-ci était sur un tronçon interdit et qu’il s’est retrouvé bloqué dans une des épingles… Il a ainsi bloqué voitures et coureurs.
Pourtant, le plus embêtant dans cette situation, c’est que ce chauffeur imprudent aurait pu, à quelques minutes près, bloquer l’une des ambulances du parcours et ainsi conduit à l’arrêt de la course. J’espère que les touristes ont au moins eu le temps d’apprécier le paysage… Car ils ont fait pesté plus d’un triathlète, paraît-il !
Je refais le plein d’eau en haut du col et les copains m’annoncent les écarts : Xavier est 15 minutes devant moi tandis que David me talonne de peu. Tant pis pour le classement général, je vais jouer la victoire d’étape ! Ça y est, le mec se prend pour Tadej Pogacar ! C’est reparti pour une belle et longue descente qui me permet d’atteindre mes vitesses maximales sur cet Altriman. L’air fendu a au moins l’avantage de bien sécher ma trifonction, humide et fort salée par l’effort !
Alors que j’ai l’impression d’entamer la descente, je suis déjà au pied du Port de Pailhères, prêt à virer à droite pour attaquer le Pradel ! Une petite vacherie qui va me mettre plus rapidement que prévu dans le mal… Dans ma tête, j’espérais être capable de tenir la cadence jusqu’au Col du Garavel, mais la chaleur a eu raison de moi. Pourtant, je ne m’affole pas : le jeu du va-et-vient continue. Je double des athlètes et me fais aussi doubler par la même occasion.
C’est d’ailleurs sur cette portion que mon acolyte David, du Laval Triathlon, me dépose littéralement au milieu de la pente ! Et ce, sans même un regard. Il m’a tué… En vrai, il ne m’a juste pas vu. Je devais être tellement lent qu’il a cru doubler un papy en panne avec son vélo électrique !
Heureusement, Marine et son cortège arrivent dans la foulée et me doublent alors que je suis à l’arrêt. Les filles et N’Lou m’encouragent sans voir que je suis dans le mal. C’est donc signe que j’ai encore une bonne tête ! Pourtant, aujourd’hui, j’ai encore du mal à me souvenir de ce passage, complètement oublié dans les limbes de ma mémoire. Du milieu du Pradel jusqu’au sommet du Col du Garavel (le suivant), c’est le trou noir ! Malgré les quelques photos montrées par Marine, je n’ai plus aucun souvenir…
Je pense que mon cerveau a mis ma mémoire vive en off pour me préserver. Le Col du Garavel en quelques chiffres, c’est : 9,5 km de montée, une côte moyenne de 6,3 % et environ 600 mètres de D+. Ce dernier a été très dur ! D’abord, parce que la montée est exposée en plein cagnard et que plusieurs kilomètres s’enchaînent avec une pente à plus de 10 %.
Autant dire qu’aux 3/4 de la course ça commence à piquer sévère. Je me souviens avoir posé pied à terre, car mes voûtes plantaires me brûlaient. J’ai dû ôter mes chaussettes pour tenter d’apaiser mes douleurs à l’air libre. Mais dix minutes plus tard, le constat était le même et je douillais à nouveau. Une horrible sensation qui m’a fait perdre beaucoup de temps sur la suite du parcours. Quant à la chaleur, elle me procure aussi d’importants vertiges. J’ai plusieurs fois pris peur en croyant tomber de mon vélo.
Heureusement, mon second sac de ravito personnel arrive et je vais pouvoir prendre le temps de me reposer. Mais avant cela, j’ai recroisé mon fameux David (#bienvenueenenfer) en train de se baigner dans une fontaine ! J’ai clairement eu l’impression de revoir la scène où Jacquouille la Fripouille se lave dans la baignoire de ses aïeux. Le mec est en pleine kiffance ! Il ne tarde pas à m’inviter à le rejoindre dans son bain. Un peu sceptique, je me laisse quand même tenter et ce fut un régal ! Je ne m’attarde pas pour autant et je repars assez vite. Ma tricfonction est sèche en moins d’une minute chrono, c’est pour dire le temps qu’il fait !
Il est 14h30 et je parviens enfin au ravitaillement de Roquefort-sur-Sault (KM 152) au pied du sommet du Garavel. Je fais comprendre à mes supporters que je ne suis pas au mieux et je décide de m’allonger un peu. Je surélève mes jambes grâce à un banc pour tenter de les oxygéner un peu et je m’accorde cinq minutes de micro-sieste avant de repartir.
Plus jeune (ou plutôt moins aguerri), j’aurais probablement pensé à l’abandon ici. Et je ne vous cache pas que dans ce genre de situation et d’état, on y pense mille fois ! Mais au fond, je sais que ce ne serait pas sérieux : vouloir abandonner sans savoir pourquoi… Alors j’oublie et je continue d’avancer (enfin de grimper plutôt) !
Durant cette seconde partie du parcours, je croise peu d’athlètes, car les écarts se sont creusés. Nous sommes à présent tous étalés sur parcours vélo de cet Altriman 2023. À ce moment-là, je suis bien curieux de savoir où j’en suis en termes de classement. Même si mon objectif n’est plus que de finir la course, cette indication s’avère intéressante pour avoir une tendance.
Marine avait imaginé me le communiquer, mais elle s’est abstenue ne sachant pas quelle serait ma réaction. Au vu de ma position dans le peloton, elle aurait peut-être dû… Car finalement, cela m’aurait encouragé car je n’étais pas si mal que ça.
Bientôt, le tape-cul la côte de Carcanières (3 km à 12% de moyenne) est derrière moi. J’avais demandé à Marine si je l’avais passée et elle m’avait dit que oui… Erreur fatale, elle s’était trompée en me donnant l’info ! Toutefois, celle-ci passée, je suis sur le Col des Hares où je rejoins le dernier ravito du Querigut. Une petite pause pour reprendre du sucre avant de pouvoir souffler avec une vingtaine de kilomètres en faux plat montant pour rejoindre le parc à vélos. Je m’octroie une dernière pause pour aérer mes pieds avant de passer à la dernière phase de cette course.
Je pose le vélo après 10h30 d’exercice en 82ème position. 30 minutes de plus que ce que j’imaginais, mais si j’enlève le facteur chaleur et surchauffe des pieds, je suis dans mes temps ! Il est alors 17h13 et la journée est déjà bien attaquée tant pour la tête que pour les guiboles ! Je vis l’arrivée au parc comme une libération. Tous mes supporters sont là et cela me met du baume au cœur.
Mon cerveau se reconnecte petit à petit au moment présent. Il est l’heure d’embrayer sur la course à pied. J’ai beaucoup travaillé ce sport durant ma prépa : analyse de foulée, chaussures adaptées à mes pieds et travail de la foulée pour que cette dernière soit la plus naturelle et économe possible. J’espère que ces mois d’efforts payeront aujourd’hui !
Les gestes de la transition, je les connais par cœur :
Je sors du parc à vélos en courant sans oublier la flasque prêtée en catastrophe par Laura (la mienne étant restée à la maison). Celle-ci me servira pour l’hydratation, entre les différents ravîtes, sur tout le marathon. Je m’attendais d’ailleurs à trouver un de ceux-ci dès la sortie du parc pour remplir ma gourde. Mais manque de bol, il va me falloir patienter 2,5 km avant de trouver de l’eau… Ce fut d’ailleurs une mauvaise surprise pour de nombreux triathlètes de l’Altriman d’après mes supporters !
Après quelques centaines de mètres, je ressens que mon corps n’est pas apte à courir. J’ai le souffle court. Laura m’expliquera plus tard que cela est dû aux muscles de la cage thoracique qui sont complètement contractés. Quant à mes cervicales, elles sont elles aussi bien tendues. En effet, ces éléments s’expliquent très simplement : je viens de passer 10h30 sur le vélo dans une position avec le dos voûté, reprendre une position debout et regarder devant moi vient donc fortement solliciter mes articulations cervicales.
Je n’ai pas le choix et je m’adapte donc à la situation. Pour commencer, je marche sur le plat et les côtes et j’essaie de courir dès qu’une descente se présente à moi à la façon de notre ami Simon sur l’Ultra Marin. Mais surtout, j’espère que ça va vite se débloquer, car sinon le marathon risque d’être particulièrement long.
Enfin, le premier ravitaillement se présente à moi et voilà qu’à présent, je n’arrive plus à manger. Je savais que ça arriverait et voilà, nous y sommes. Ce sera donc une gorgée de Coca-Cola pour le sucre et de l’eau dans la flasque pour m’hydrater jusqu’au prochain ravito.
Rapidement, je regrette de ne pas avoir pu repérer le parcours en amont, car je ne sais pas du tout à quoi m’attendre. Tout ce que je sais, c’est que je vais devoir affronter 500 mètres de D+ sur une boucle de 20 kilomètres, à répéter deux fois. Et puis c’est tout ! La raison de cette absence de repérage : quelques soucis mécaniques avec notre van qui a fini au garage quelques jours avant la course, nous privant quelque peu de mobilité…
J’avance donc avec prudence et sans trop forcer. Marine et les copains sont là fréquemment pour me booster dans les montées. Après 5 kilomètres, mon corps se relâche enfin. Il m’est donc possible de courir de plus en plus longtemps. Sur le parcours, je croise mes acolytes d’Altriman. D’abord David qui a l’air vraiment en forme. Il est en train de nous faire la course de sa vie et est déjà en train de boucler son premier tour en redescendant vers le Lac de Matemale.
Puis un peu plus tard, je retrouve Xavier, un peu plus marqué. Nous prenons le temps de nous faire une belle accolade avec les mots qui remotivent : « On s’attend à l’arrivée ». Je laisse mon pote repartir et je reprends ma grimpette.
Mes pieds chauffent encore en cette fin d’après-midi, décidément ! Je m’arrête pour les aérer encore une fois. Par chance, la température extérieure commençant à baisser, ce problème va finir par se régler tout seul.
La montée depuis le village des Angles vers ses hauteurs marque le demi-tour tant convoité. Et je peux vous dire que la montée est sèche et très pentue. Elle fait mal et je ne pense qu’à une chose : la redescendre. À quelques mètres du sommet, Marine accompagnée de Sophie et de Guillaume, sort l’enceinte et les pompons pour me motiver avec la musique « Le Coach » de Soprano. Le morceau que Gaëlle nous avait passé en boucle lors de l’Embrunman 2019 et qui est, depuis, devenu une référence pour nos triathlons !
Je flambe en me mettant à courir devant mes supporters et je leur lâche que ça va le faire. Au sommet, j’enchaîne sur un beau faux plat descendant vers le Lac de Balcère avant d’atteindre le demi-tour pour finir cette boucle. Je connais désormais le parcours, et cela, a l’effet d’une bombe sur moi. Mon corps va beaucoup mieux et j’arrive désormais à courir sur le peu de plat du parcours et accélérer dans les descentes. D’ailleurs, j’arrive rapidement sur la grande pente tout juste grimpée que je vais maintenant pouvoir dévaler.
Mais voilà que Marine me fait déchanter… Elle m’interpelle et me demande où est ma puce de chronométrage !
Ma puce ? Ah, bah elle est restée au parc à vélos… Le boulet ! Car ce n’est pas la première fois que ça m’arrive… Il paraît que quand on n’a pas de tête, on a des jambes… Je crois que je le prouve très bien en ce moment. Par chance, Marine a déjà signalé ma boulette à l’organisation. Ces derniers ont été en lien avec le chronométreur et je devrai simplement me signaler à l’arrivée pour qu’ils puissent me classer.
La bêtise est donc vite oubliée et je peux me concentrer à nouveau sur ma course. Rien de grave en soi… C’est juste que je n’aurai pas mes temps intermédiaires. Ce qui veut dire que mes supporters ne les ont pas non plus et qu’ils devinent ma position. J’ai quand même une pensée pour mon père qui suit le live à distance… C’est d’ailleurs lui, qui intrigué par l’absence de pointages, avait interpellé Marine à ce sujet !
Ma tête et mon corps vont mieux ! Au cours de la longue descente, Marine me filme par la fenêtre du van et me demande de dire un mot à la caméra. L’occasion parfaite pour rassurer nos supporters qui auront, en l’espace d’une journée, envoyé plus de 1000 messages via le groupe WhatsApp… Je ne trouve rien de mieux que : « J’pense que je vais finir » (qui valait un « Je vais finir » clair et net en réalité). Me voilà galvanisé. C’est reparti de plus belle : je ne m’arrête que très peu aux ravitos, je prends simplement le temps de boire une gorgée de coca et je repars aussitôt.
Je commence, petit à petit, à récupérer des coureurs qui sont partis plus vite que moi. Certains rigolent en me voyant courir et ne comprennent pas pourquoi je cours tandis qu’eux lèvent le pied. J’ai mes supporters qui sont au taquet et Marine essaie de venir à chaque ravitaillement pour me booster. Même si on ne se croise que 30 secondes, ça me fait un bien fou… Il ne faut jamais sous-estimer la force donnée par nos proches. Le second tour passe plus vite et enfin, je me sens bien.
Bientôt, c’est une autre belle surprise qui m’attend… Alex, notre cyclopote rencontré aux Pays-Bas, lâche les filles pour venir courir quelques kilomètres à mes côtés. Le temps passe ainsi plus vite en discutant sur la portion haute du parcours. Je me surprends même à reprendre de la vitesse dans les descentes. La dernière portion arrive.
J’entame la descente, réalise la petite boucle de 2 kilomètres auprès du Lac de Matemale et me voilà dans la dernière ligne droite. Il ne me reste « plus que » la dernière montée aux Angles pour rejoindre l’arche d’arrivée de l’Altriman. Je cours. J’y vais au mental. À ce moment-là, je n’ai plus mal nulle part. Arriver avant minuit représenterait pour moi une belle performance. Mais je réalise en entrant dans la station qu’il est 23h20 et que je vais donc finir plus tôt que prévu. Courir et compter en même temps ce n’est pas mon fort : je m’étais complètement gaufré dans mes estimations !
J’entends le speaker au loin. Lucie, la copine d’Alex, me booste et ne me laisse aucun répit… Je vais devoir courir jusqu’au bout ! Et enfin, me voilà dans la salle. Je signale, comme convenu, mon arrivée au chronométreur et à l’organisation avant de savourer mon arrivée. Il n’y a personne derrière moi pour venir me grappiller une place. J’exulte sous l’arche comme si je venais de gagner l’épreuve avant que Xavier ne me rejoigne pour me prendre dans ses bras. Je suis fier de moi.
Avec un temps de course de 17h55, je me classe 63ème sur un total de 198 partants et 118 finishers seulement. C’est plus long que ce que j’avais imaginé, mais je finis content avec une dizaine de places reprises au cours du marathon. Nous immortalisons l’arrivée avec David, Xavier et nos proches sous l’arche Altriman. C’est encore une sacrée journée qui vient de s’achever… Et vraisemblablement pas la dernière !
Par cette dernière ligne (ou presque), je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont suivi de près (sur place) ou de loin via WhatsApp ou le live. J’ai énormément pensé à vous pendant la course et pendant certains moments de doute, comme il en existe durant ce type d’épreuve, j’avais à cœur de ne pas vous décevoir. J’espère avoir réussi.
Un big love à ma Marine sans qui je ne serais sous doute pas allé aussi loin.
Je vous dis à très vite, car une chose est sûre, je retenterai encore des trucs de dingue !
Et si la course se partage, les récits aussi… Je vous invite donc à découvrir ceux de mes acolytes et supporters :
Merci à toute la troupe sur place pour vos encouragements qui résonnent encore et ces magnifiques photos partagées 😘 !
10 Comments
Respect pour l’homme derrière l’athlète Damien !
🎩🎩🎩
Chapeau l’artiste ! Vivement le norseman !!
Top récit mon Damien…bonne recup
Haletant , passionnant, épuisant ! Magique ! Merci de nous permettre de vibrer et vivre cette épreuve avec toi !
Mais t’avais dit qu’on passerait la ligne d’arrivée ensemble!!! 😫
~ 😂😉💪👏~
Très beau récit Damien et encore bravo pour l’exploit réalisé.
Bravo champion 👍👍👍👍👍❤️
Alors déjà bravo pour cette belle performance sportive !!! Le récit est captivant, ça me donnerait presque envie de me lancer dans un défi d’ultra un jour 😅. Je suis curieuse de connaître les podcasts que tu écoutes pour la préparation mentale.
Merci pour lui 🥰 avec toute l’endurance rando que tu as, aucun doute que ça te plairait en prime ! Les podcasts sont variés mais surtout :
« ultra talk » de Arnaud Manzaniki
« Devenir triathlète »
« Dans la tete d’un cycliste »
Il ajoute qu’il y a des formats courts et certains abordent notamment l’aspect mental des courses ou de la préparation.
Ou encore « les frappés » !
Après tout dépend aussi de l’athlète derrière le micro yen a toujours des plus « captivants » que d’autres 😉
Bravo il faut le faire !